dimanche 6 mai 2007

Au-delà de la colline, il y a la poésie...


(...) Mais il est d’autres lieux, moins circonscrits géographiquement, mais non moins réels et qui se découvrent soudainement au détour d’une route de terre du Bas Alentejo, au Portugal. Ce sont ces lieux de mémoire, ces alvéoles de passé concentré, qu’explore le film de Pierre-Marie Goulet. Encontros propose un certain nombre de rencontres dans le temps et l’espace d’un film, rencontres parfois improbables, mais non moins émouvantes et empreintes de saudade : le grand cinéaste Antonio Reis, décédé depuis plusieurs années, est présent par sa voix enregistrée en 1957; Michel Giacometti, l’émigré corse qui a recueilli les chants de l’Alentejo, également décédé, est là en photos, comme aussi un poète analphabète qui survit dans ses textes. Mais les vivants sont aussi conviés : un poète du Nord, qui évoque les nuits poétiques au salon de coiffure Capri; une poétesse lyrique de Peroguarda qui chante et déclame avec émotion ; et le cinéaste Paulo Rocha, vieux monsieur mêlé aux spectateurs d’une projection récente du très beau Mudar de Vida du très jeune cinéaste Paulo Rocha… "Il n’y a pas de passé, que du présent", proclame l’un des intervenants, justifiant ainsi ces rencontres hors du temps et qui baignent dans la poésie la plus simple, les chants traditionnels et l’amour de la langue et de la culture populaire portugaises. La mémoire est aussi un lieu, au Portugal peut-être plus que nulle part ailleurs, et le beau mot de saudade, intraduisible mais dont la musique est limpide pour quiconque a un peu connu ce pays à nul autre pareil, traverse de part en part ces Encontros dans lesquelles la brume d’Alentejo appelle le chant et où la poésie est un lieu bien réel et magnifiquement habité. Est-il besoin d’ajouter que tout cela est possible par la grâce d’une caméra frémissante et sensible aux paysages vallonneux de l’Alentejo et à ses routes qui ne semblent mener nulle part, à moins que, au-delà de la colline, comme dans le premier plan du film, il y ait la poésie.
Robert Daudelin
in 24 images/seconde
Revue Québecoise de Cinéma
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